À l'affiche : Edvard Munch au Clark Institute
La nature rayonne, vibre, mute. Il chante, se balance et danse. Deux expositions au Clark Institute éclairent cette joie et cette complexité à travers les interprétations phénoménologiques d'Edvard Munch (1863-1944) et sa relation intime avec la nature, ainsi que huit « positions » d'artistes contemporains réfléchissant sur l'Anthropocène.
La moitié des œuvres d'Edvard Munch s'intéressent à la nature, mais il n'est pas très connu en tant que paysagiste. Le Clark Institute s'attaque à cette perception erronée dans une nouvelle exposition faisant autorité, « Trembling Earth », qui centre les désirs persistants de Munch avec plus de soixante-quinze peintures, gravures et dessins qui agissent comme des journaux visuels.
«Cela me rappelle la façon dont je vois le monde quand je suis malade», dit un visiteur. Il était malade, mais Munch est bien plus que du désordre et de l'étrangeté. Sa conscience aiguë de la puissance de la nature a peut-être induit une vision et une expérience altérées, fascinantes.
Dans «Trembling Earth», la nature de Munch grésille et ses couleurs, textures, saisons et folklore sont profondément vécus par l'artiste cosmopolite qui a visité et vécu dans les capitales artistiques bouillonnantes de Paris et de Berlin, tout en restant enraciné dans de petites villes norvégiennes comme Åsgårdstrand, Ekely, Kragerø et Hvitsten.
Ces sites ont inspiré une grande partie de son art à une époque où l’industrialisation, les découvertes scientifiques et les théories philosophiques entretenaient une relation évolutive avec le monde naturel et la place que nous y occupons.
Munch, un artiste cultivé et curieux d'idées, est lié aux principes du penseur allemand Ernst Haeckel (1834-1919) qui défendait la notion d'un monde évolutif composé d'esprit et de matière. Il représente son adhésion au monisme – la croyance que tout est un, que la vie est tout et donc interconnectée – dans un dessin de 1930 qui montre trois cercles d’énergie concentriques empilés les uns sur les autres. Au fond, une terre tremblante propulse les autres.
« Le sol de la terre avait soif d’air », a écrit Munch de manière aphoristique. « Tout est vivant et en mouvement. »
Munch remet en question la nature de la nature. Évoquant l'atmosphère des contes de fées et des traditions populaires de Grimm, les forêts sont des royaumes hantés et étranges. On le voit dans Les Enfants de la forêt (1901-1902), La Forêt magique (1919-1925) et La Forêt des contes de fées (1927-1929), qui décrivent les bois comme des mondes secrets et impénétrables, avec des personnages humains et non-humains. Les arbres et les cieux oniriques et à feuilles persistantes épousent les formes changeantes des flammes.
Munch reconnaît également le sublime, une force magnétique révélée dans The Yellow Log (1912), une composition fascinante de profondeur et de dynamisme qui nous invite à considérer la différenciation, ainsi que le temps cyclique : croissance, décomposition, mort. Le spectateur entre dans le tableau comme à l’intérieur d’une nef, observant la texture des écorces d’arbres rehaussée d’accents en forme d’écailles.
La nature est un lieu de nourriture et d'abondance symbolique (Fertilité, 1899-1900) mais aussi de tranquille désolation. Ces qualités distinctes ont tendance à s’estomper et à fusionner ; la nature, comme l'œuvre de Munch, échappe à toute catégorisation stricte. Ce que fait Munch, c'est capturer le bord d'un mouvement continu via des tourbillons et des ondulations déterminées, des coups de pinceau sculpturaux, de la matière organique issue de sa pratique en plein air et un objectif déformé qui s'élève.
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Munch est un maître de la liminalité vive qui est exaltée dans les clairs de lune sans fin qui se fondent dans la mer comme la cire d'une bougie incandescente, les pierres de plage totémiques, les soleils diffractés, les nuits d'hiver maussades et son ingénieuse association de teintes. Le romancier Karl Ove Knausgård, compatriote norvégien et fervent admirateur de Munch, parle de sa « physicalité de la couleur » dans un livre consacré à l'artiste. Le résultat est unique, couleur et texture convergent dans un chant d'adoration et de chagrin.
L'impressionnante gamme visuelle présentée dans l'exposition rappelle l'approche singulière de Munch ; il fut le pionnier de l'expressionnisme (Spring Ploughing, 1916) et inclua des scènes oniriques proto-surréalistes, ainsi que des touches impressionnistes. La courbure inquiétante, déstabilisante, vertigineuse de The Scream imprègne le spectacle et révèle une sensibilité complémentaire.